Le détournement croissant du discours des droits de l’homme par des groupes armés pour justifier des violations graves, notamment le recrutement d’enfants, a été vivement dénoncé lors d’un événement parallèle organisé vendredi à Genève, en marge de la 60ᵉ session du Conseil des droits de l’homme.
L’événement, tenu à la Swiss School of Business and Management, a été organisé par le Centre international de recherche pour la prévention du recrutement des enfants (basé à Dakhla), en partenariat avec le Centre Maât pour la paix (basé à Genève) et la Commission internationale pour le respect de la Charte africaine.
Modérant les travaux, M. Blerim Mustafa, conseiller à l’International Eurasia Press Fund, basé à Oslo, a alerté sur la manière dont certains groupes armés s’approprient le langage des droits humains pour légitimer des pratiques telles que l’enrôlement d’enfants ou la militarisation de populations civiles. Il a appelé à une réflexion critique sur cette instrumentalisation, qui brouille les responsabilités et affaiblit le système international des droits humains.
De son côté, le M. Abdelkader Filali, président du Centre international de recherche pour la prévention du recrutement des enfants soldats, a mis en lumière les résultats de recherches de terrain menées sur trois continents, exposant des mécanismes sophistiqués de manipulation du langage humanitaire.
Ces pratiques s’inscrivent dans un phénomène décrit comme le « Complexe industriel humanitaire ». Ce système, formé de certains acteurs humanitaires, bailleurs, consultants et ONG, contribuerait, selon M. Filali, à entretenir les crises au lieu de les résoudre, en s’imbriquant dans des logiques d’intérêt plutôt que de neutralité.
Abondant dans le même sens, M. Ayman Okail, président du Centre Maât, a fortement dénoncé la manipulation du discours humanitaire par des groupes armés séparatistes, citant en particulier le cas du polisario, soulignant que la militarisation des camps de Tindouf (sud-ouest de l’Algérie) comme une violation grave des droits humains, marquée par la détention arbitraire, la privation de liberté et l’endoctrinement.
M. Okail a également mis en garde contre l’usage du prétexte des droits humains pour justifier le recrutement d’enfants soldats, parfois dès l’âge de 12 ans, en Afrique et ailleurs, notant que certains camps, à l’image de ceux de Tindouf, sont transformés en bases militaires déguisées, mettant les civils en danger.
L’intervenant égyptien a appelé à des enquêtes internationales, des mécanismes de justice et des sanctions à l’encontre des groupes responsables, tout en appelant à ne pas confondre activisme et manipulation idéologique.
Pour sa part, M. Mr. Alfred Gondo, conseiller spécial d’Interfaith International, a présenté un panorama inquiétant du recrutement d’enfants dans les conflits armés en Asie, au Sahel, au Soudan et en RDC, précisant que ces pratiques sont alimentées par la pauvreté, l’instabilité, le déplacement et l’effondrement de l’éducation.
Il a insisté sur la nécessité de programmes de réintégration durables, associant soutien psychologique, formation et initiatives de réconciliation communautaire. Selon lui, seule une approche holistique, intégrant développement local et renforcement de l’État de droit, peut briser le cycle de l’exploitation des enfants.
Enfin, Mme Nadah Alqam, Secrétaire générale de l’International Alliance for Peace and Development, a mis en avant le rôle vital de la société civile dans la lutte contre le recrutement des enfants, en particulier dans la documentation des violations, le plaidoyer, et la coopération avec les mécanismes onusiens.
Les débats ont mis en lumière l’intersection préoccupante entre le rôle des groupes terroristes et celui des mouvements séparatistes armés, notamment en Afrique, mettant en garde contre la formation d’une génération entière façonnée par la violence, l’endoctrinement idéologique et la haine de l’autre, qui constituent un vivier idéal pour le recrutement par les groupes extrémistes.
Les participants ont également appelé à renforcer la vigilance internationale, protéger les institutions onusiennes contre l’infiltration idéologique, et préserver la neutralité de l’action humanitaire face aux tentatives de légitimer l’enrôlement d’enfants sous couvert de discours droits-de-l’hommistes.