En Algérie, le verdict est tombé. Le jugement est sans appel. Le pouvoir algérien est juge et partie. Sa sentence envers la liberté d’expression est injuste. Elle est muselée. Même la résolution récente du Parlement européen dénonçant la détérioration des droits de l’homme et l’emprisonnement des journalistes et des manifestants n’a pas empêché le régime de poursuivre sa répression. Les autorités ont bloqué mercredi 2 décembre plusieurs sites d’information, confirmant le verrouillage du paysage médiatique indépendant, en ligne notamment, et l’offensive contre la liberté de la presse et d’expression.
« Nous dénonçons vigoureusement cette censure arbitraire (…) dont nous ignorons le prétexte. Le journal n’en a jamais été informé », a réagi dans un communiqué l’équipe de Twala, nouveau-né du paysage médiatique algérien. « C’est une atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d’informer, a-t-elle déploré. Twala.info reste accessible grâce à la technologie VPN. »
La même mesure a été prise à l’encontre du site Casbah Tribune, qui l’a annoncé via sa page Facebook. De nombreux sites d’information ont été censurés par les autorités en 2020, à l’instar de Radio M, Maghreb Emergent, Interlignes, L’Avant-Garde et TSA (Tout sur l’Algérie). Maghreb Emergent et Radio M ont annoncé mercredi être de nouveau complètement inaccessibles, après avoir été partiellement débloqués début octobre. Casbah Tribune, publiant également dans les deux langues, est un site d’actualités nationales fondé en 2017 par le journaliste Khaled Drareni, actuellement derrière les barreaux. Ce dernier a été condamné en septembre à deux ans de prison ferme pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale » alors qu’il n’a fait que couvrir des manifestations du Hirak, mouvement de contestation populaire né début 2019.
D’autres médias font l’objet de la même censure, tels les sites arabophones Tariq News et Ultra Sawt, a précisé Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme : « Encore une attaque contre la liberté de la presse. »
Reporters sans frontières (RSF), qui dénonce régulièrement les menaces contre la liberté de la presse en Algérie, a condamné « vigoureusement la censure de médias libres et indépendants ». Le ministère de la communication n’a donné aucune explication.
Cet état de fait électrocute le paysage médiatique et politique en Algérie à l’heure où la disparition du président Abdelamjid Tebboune depuis 43 jours, parti en Allemagne pour se faire soigner contre le coronavirus, intrigue les Algériens qui ont encore en mémoire l’invalidité de l’ancien président Bouteflika resté au pouvoir six ans durant après la déclaration de son invalidité.
Le pouvoir algérien, dont le centre de décision est formé de l’establishment de la junte militaire, a exploité l’état d’urgence sanitaire pour interdire les manifestations et les réunions des partis de l’opposition. En dépit de cette mise en garde, ces derniers ont tenu leurs réunions et ont dénoncé le climat de répression qui règne dans le pays couplé à une crise sanitaire mal gérée et une crise économique sans précédent suite notamment à la baisse exponentielle des prix du pétrole à l’international, source majoritaire (pour ne pas dire unique) des recettes de l’Etat. Des recettes dont le gros disparait des comptes courants plombant ainsi la machine économique et explosant le taux de chômage notamment des jeunes.