jeudi , 21 novembre 2024

Observé pour la dernière fois au Maroc : l’extinction alarmante du Courlis à bec grêle

Une page sombre de l’histoire des oiseaux migrateurs s’écrit avec la confirmation, par une étude récente, de la disparition définitive du Courlis à bec grêle. Observé pour la dernière fois au Maroc en 1995, cet oiseau emblématique rejoint la liste des espèces éteintes.

Une première extinction sur le continent européen

Cette disparition marque une étape inquiétante dans l’histoire de l’avifaune européenne. « C’est la première extinction officielle d’une espèce continentale d’oiseau dans la zone du Paléarctique occidental », a alerté mardi la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Ce territoire couvre l’Europe, l’Afrique du Nord et une partie de l’Asie. La LPO, qui agit pour la préservation des espèces sauvages en France, qualifie cette disparition de « première extrêmement préoccupante ».

Les conclusions, publiées dans la revue d’ornithologie Ibis, soulignent l’ampleur de la menace : la probabilité que l’espèce soit désormais éteinte s’élève à 96 %.

Portrait d’un oiseau migrateur unique

Le Courlis à bec grêle (Numenius tenuirostris), reconnaissable à son plumage clair et son long bec finement courbé, occupait autrefois les zones humides d’Europe et d’Asie centrale. Nichant en Sibérie et en Finlande, il migrait pour passer ses hivers sur les rivages méditerranéens.

En France, le dernier signalement de cet oiseau remonte au 15 février 1968 en baie de l’Aiguillon (Vendée). Au Maroc, une observation jugée fiable a eu lieu en 1995. Depuis, malgré des recherches intenses, aucune trace de survivants n’a été confirmée.

Les causes d’une disparition rapide

L’étude pointe du doigt l’impact de l’agriculture intensive et du drainage des zones humides sur l’habitat du Courlis à bec grêle. Cette dégradation rapide des écosystèmes a accéléré son déclin au XXe siècle.

Son cousin américain, le Courlis esquimau (Numenius borealis), a connu un sort similaire, n’étant plus observé depuis 1987. Sur les neuf espèces de courlis répertoriées dans le monde, deux ont disparu en moins de quatre décennies.

Une alerte sur la biodiversité mondiale

Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), plus de 150 espèces d’oiseaux ont disparu depuis 1500, mais ces pertes concernaient surtout des espèces insulaires, comme le Dodo de l’île Maurice (Raphus cucullatus) ou l’Huitrier des Canaries (Haematopus meadewaldoi), ou encore des espèces chassées jusqu’à extinction, à l’instar de la Tourte voyageuse (Ectopistes migratorius).

La disparition du Courlis à bec grêle est ainsi un signal d’alarme sur les risques pesant désormais sur les espèces continentales. « Elle illustre l’urgence de protéger les habitats naturels et de repenser nos pratiques pour enrayer la crise de la biodiversité », conclut la LPO.

La France, consciente de l’enjeu, avait suspendu en 2020 la chasse du Courlis cendré (Numenius arquata), dont les effectifs européens ont chuté de près de 50 % depuis 1980. Reste à espérer que cette prise de conscience permette de préserver les autres espèces encore menacées.

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