Qui ne s’est pas posé la question sur l’intérêt de l’implication soudaine de la diplomatie algérienne dans la crise libyenne ? Autrement dit, quel est le rôle de l’Algérie, qui fait fi de sa sacro-sainte doctrine de non-intervention, dans les tentatives de médiations diplomatiques autour d’une crise en proie à une escalade ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que cette intervention n’est pas anodine. Elle est, au contraire, bien étudiée. Elle a des visées diplomatiques, politiques, économiques et sécuritaires. Oui, tout cela à la fois.
Tout d’abord, le rôle diplomatique que s’est taillé Alger cherche à faire de l’ombre, autant que possible, à l’important accord de Skhirat sur la Libye, signé sur le sol marocain, à l’initiative marocaine.
Mais ce n’est pas tout. L’Allemagne accueille à Berlin, ce dimanche 19 janvier 2020, un nouveau sommet international sur la Libye. Une chose est sûre : l’Algérie ne va pas participer d’une manière officielle à une intervention militaire hors de ses frontières. Mais les généraux d’Alger voient les choses autrement. Ils ont peur que le conflit libyen ne retentit sur leur propre territoire, stimulant un mouvement de contestation qui continue sur sa lancée depuis un an déjà.
A vrai dire, Alger est à cheval entre deux situations sur le terrain libyen : l’intervention turque pour la protection de Tripoli et l’intervention des Emirats Arabes Unis en appui au général libyen Haftar contre les autres factions. Deux situations qui laissent les grandes puissances occidentales un peu dubitatives sur quelle attitude adopter, quoiqu’elles soutiennent implicitement les Emirats Arabes Unis.
Mais si l’Algérie n’interviendra jamais militairement dans ce conflit interne à la Libye, que gagnerait-elle dans cette médiation diplomatique ? Pour Alger, soutenir Haftar et les Emirats arabes unis (EAU) à continuer leur offensive contre Tripoli est mal vu. Par conséquent, le président Tebboune et ses ‘’patrons’’ savent qu’ils ont intérêt à apaiser la situation pour que l’onde de contestation ne grandisse en interne. Cependant, l’establishment algérien, même s’il n’affiche pas son opposition à la politique émiratie, ne s’associe pas d’une manière ostentatoire avec la Turquie.
Contradictoire ? Non. L’Algérie tire profit de cette ambigüité. Il y a d’ailleurs un certain opportunisme : la Libye offre à l’Algérie officielle l’occasion d’une reconnaissance diplomatique sur la scène internationale surtout qu’elle a été fadement courtisée à l’occasion de l’élection du président Tebboune.
Aussi, la préoccupation d’Alger est économique. Alger va donner l’impression qu’elle soutient Ankara pour négocier avec les Etats du Golfe. Même avec toutes ses ressources naturelles, l’Algérie a besoin de prêts étrangers. Donc, seuls les EAU pourront l’aider, sachant qu’ils ont injecté récemment 23 milliards de dollars dans l’économie indonésienne pour le financement de projets d’infrastructure et d’énergie.