L’Algérie est le théâtre, depuis les premières heures de ce jeudi 12 décembre 2019, d’une scène de démocratie déguisée où le figurant est le peuple algérien. Car après presque dix mois d’une contestation populaire inédite, continue, ininterrompue et surtout pacifique, ayant emporté le président Abdelaziz Bouteflika, l’armée, représentée par le général Ahmed Gaïd Salah, est allé jusqu’au bout de ses fantaisies en organisant un scrutin sous haute tension marqué par une nouvelle manifestation de masse à Alger et de sérieux troubles en Kabylie. Le vote était à l’arrêt, dans plusieurs localités de la région frondeuse de Kabylie, où un centre de vote a notamment été saccagé à Bejaïa (80 km au sud-est d’Alger).
A Tizi-Ouzou et Bouira (90 km à l’est et 80 km au sud-est d’Alger), deux autres villes de cette région berbérophone, des heurts ont éclaté et toutes les opérations de vote sont interrompues.
Toute la matinée du jour des élections, la police anti-émeute, déployée en force au cœur de la capitale, était rapidement et brutalement intervenue pour tenter d’empêcher tout rassemblement.
Mais même en présence de ce dispositif, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans le centre d’Alger pour dénoncer l’élection en cours, qu’ils voient comme une manœuvre de survie du régime.
Mais les manifestants sont finalement parvenus à faire nombre et ont réussi à briser un cordon de police qui leur barrait l’accès au carrefour de la Grande Poste, lieu symbolique de rassemblement du « Hirak », le « mouvement » de contestation inédit qui ébranle l’Algérie depuis février. « Le peuple veut son indépendance! », a scandé la foule.
Le vote a par ailleurs dû être brièvement suspendu dans un centre électoral proche après l’intrusion de manifestants. Il a rouvert après l’évacuation de ces protestataires.
Selon le président de l’Autorité nationale indépendante des élections Mohamed Charfi, le taux de participation a atteint près de 30% en fin d’après-midi.
Mais comment croire le représentant d’une autorité sous l’emprise d’un pouvoir inamovible et qui s’attache à la ‘’couronne’’ qui lui permet de profiter de la manne du pétrole et du gaz, richesses naturelles dont jouit le pays ?
C’est toute la problématique qui suscite des interrogations légitimes auprès des Algériens.
Pour cette scène digne des grands théâtres du monde, et au vu des dix mois de protestation dans la rue, le pouvoir militaire et ses marionnettes méritent l’oscar de la meilleure manipulation politique de l’histoire.