Le président français Emmanuel Macron a reçu, lundi 23 janvier 2023 à l’Elysée, le chef de l’armée algérienne, Saïd Chengriha. Que cachait-elle cette visite ? Pas si difficile pour le découvrir. D’abord, le rencontre a été entourée d’une discrétion pas du tout orthodoxe. Les photographes n’ont pas été autorisés à éterniser ce moment. Pourquoi ? Voilà un premier mystère. Ensuite, même dans un pays de liberté de presse et d’expression, l’agence officielle française (AFP), qui a confirmé la rencontre, relevant son caractère «hautement symbolique», n’a donné aucun détail sur la portée ou la nature de la visite. La dernière visite d’un chef d’Etat-major algérien en France remontant au mois de mai 2006 avec Gaïd Saleh, soit il y a 17 ans.
L’agence de presse officielle algérienne s’est contenté de reprendre un communiqué du ministère de la Défense algérien. Elle a souligné que le chef de la junte, en déplacement en France, a été reçu par le président français Emmanuel Macron, «à qui il a remis un message du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune».
Mais il ne faut pas être une lumière pour comprendre ce qu’est venu faire le Chef d’Etat major de l’ANP algérienne (Armée nationale populaire) à être reçu en tête-à-tête par un chef d’Etat français depuis l’indépendance du pays voisin, en se cachant des objectifs des caméras des photographes et en ne communiquant rien sur cette visite. La France de Macron profite bien de la situation instable en Algérie et de la mainmise de junte algérienne sur le pays pour vendre le plus d’armes. Elle cherche à accaparer la grosse part du gâteau suite à la récente augmentation du budget de la Défense algérienne, d’une valeur de 18 milliards de dollars.
Elle le fait en connaissance du risque et des conséquences d’un tel contrat. La France sait que la destination finale d’une partie de ces armes n’est pas l’Algérie. Elle irait vraisemblablement aux groupes armés de la région, à l’instar des milices séparatistes du front polisario. Avec tout ce que cela entraînera comme impact sur l’instabilité régionale et à une atteinte à l’intégrité du territoire marocain. Mais c’est un risque assumé par la France qui a perdu son pied et sa position au niveau de l’Afrique et constate avec amertume qu’un véritable sentiment anti-français s’installe en Afrique et que la Russie -alliée traditionnelle de l’Algérie- la supplante dans cette région qu’elle considérait longtemps comme sa ‘’chasse gardée’’.
Pour cette raison, la France va pactiser avec le diable et ramener l’Algérie de son côté au lieu d’une opposition d’intérêts entre les deux parties dans la région sahélo-saharienne au profit de la Russie, même en sachant les capacités de nuisance de l’Algérie au Nord-Mali et dans les pays limitrophes, de par son acquiescement à l’implantation russe dans la région, de ses supposés relations douteuses avec les régimes putschistes au Mali et au Burkina Faso ainsi que de ses rapports suspicieux avec les groupes armés de la région.
On comprend un peu mieux maintenant pourquoi cette rencontre quasi-secrète entre le président français et le chef d’Etat major algérien cache mal ses objectifs réels. Le principal d’entre eux est que l’Algérie devrait jouer le rôle d’émissaire de la France au Sahel afin de tenter de juguler le sentiment anti-français grandissant dans la région sahélo-saharienne. C’est contradictoire, certes, mais la France nous a habitués à ce jeu
Comme d’ailleurs la junte militaire algérienne qui est prête à tout pour pérenniser son pouvoir et s’acheter une immunité internationale contre sa répression.
Mais Emmanuel Macron n’a pas bien calculé tous les risques. L’alliance avec Moscou constitue même une constante des ailes influentes au sein de l’establishment algérien. Ce qui revient à dire que Chengriha prend la France pour une dupe. Mais Chengriha joue avec le feu. Il met l’Algérie dans le viseur des Etats-Unis qui ont fixé les alliés de la Russie dans leur collimateur et n’hésite plus à brandir le spectre des sanctions économiques à leur encontre.
L’establishment militaire algérien est rongé par les guerres intestines entre les clans qui le rongent. Certains clans voient le danger arriver. Ils ont créé une illusion de changement pour ne pas s’attirer les foudres des Etats-Unis. Afin d’éviter de susciter davantage l’ire de l’Occident, l’ANP se montre, de moins en moins, réticente à une diversification de ses fournisseurs en armement, surtout que l’allié russe éprouve actuellement des difficultés à subvenir à ses besoins.
Tout bien calculé, la visite de Chengriha à Paris sert bien les intérêts sordides des uns et des autres. Mais c’est beaucoup plus un cadeau de la France à la personne du Général Chengriha, décrié et accusé par l’opposition algérienne à l’étranger d’avoir commis des crimes et des exactions liées aux Droits de l’Homme et au trafic de drogues et d’armes.
Son déplacement à Paris est, donc, le blanchit. Voilà ce qu’a offert sur un plateau d’argent un pays qui se vante d’être le berceau de la démocratie.