A la veille de l’examen périodique universel de l’Algérie, prévu vendredi 11 novembre 2022 au Conseil des droits de l’Homme à Genève, la presse française a jeté la lumière sur trois figures de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LAADH), ayant fui en France et en Belgique, afin d’échapper à une incarcération « quasi-certaine », pour reprendre littéralement les termes utilisés par le journal ‘’Le Monde’’. Le journal n’a pas divulgué les noms des villes où ils résident, afin de les protéger contre une éventuelle représailles de la part de la junte militaire algérienne.
Il s’agit de Said Salhi, Vice-président de la LADDH, établi en Belgique. C’est un symbole du recul d’«une saignée que vit l’Algérie en ce moment », selon Hakim Addad, cofondateur du « Rassemblement Actions Jeunesse ». Salhi espère un jour retourner en Algérie si la situation s’améliore. L’article 84 bis du code pénal algérien, assimilant à du « terrorisme » tout appel à « changer le système de gouvernance par des moyens non conventionnels ». Salhi avait réagi à ce texte de loi : « C’était un basculement psychologique, cet article a été une manière de nous ramener à la décennie noire », a-t-il commenté.
Pour lui, la situation actuelle en Algérie est « pire » que sous Bouteflika. « Le contexte international a aussi compté : la crise énergétique et la guerre en Ukraine permettent au pouvoir de se radicaliser et de tourner le dos aux mécanismes internationaux des droits humains », poursuit-il.
Le deuxième personnage indésirable pour le régime autocratique algérien est Aissa Rahmoune, avocat et vice-président de la LADDH, établi en France. Il rejetait la « bipolarité » de la vie politique. « Il fallait opter pour un camp, celui des islamistes ou des militaires », disait-il.
Face au système politico-militaire et aux islamistes, la LADDH représente, pour lui, la « troisième voie», celle de la « sagesse, de la réconciliation et du débat ». Il a considéré que « le régime en profite pour mettre tout le monde en prison. Des magistrats sont mutés, notamment les plus contestataires ». Avant son départ en France, il avait appris d’une de ses sources que les renseignements généraux seraient en train de monter un dossier sur lui pour appartenance à un groupe terroriste, sur la base de l’article 87 bis, vu qu’il défendait le mouvement Rachad et Mak (mouvement kabyle). « Ici, on a accès à la presse et aux Institutions internationales, on peut continuer à servir notre pays », nourrit-il l’espoir de chasser la junte militaire du pouvoir par le militantisme.
La troisième figure en exil forcé est Salah Dabbouz, un avocat installé en Belgique depuis plus de trois ans. Après avoir échappé à une agression au couteau à Ghardaia, il a dû quitter son pays pour s’établir comme avocat étranger au barreau belge. Il dénonce « l’arbitraire », « les abus de la justice », « la justice du téléphone » et un pays qui « n’a rien d’un Etat de droit ».
Citant le cas de son ancien client, le docteur Kamel Eddine Fekhar, mort après grève de la faim en mai 2019, Me Dabbouz a dénoncé un « crime » et « une mort programmée ». « Le pouvoir a tué Fekhar, je ne voulais pas terminer comme lui. Dans 99% des affaires politiques, il n’y a pas de faits ou de plaintes. C’est toujours le parquet qui agit de son propre chef. Un simple post sur Facebook peut vous conduire en prison », se désole-t-il.