Dans sa note du mois de mai 2021, intitulé « La stabilité du Maghreb, un impératif pour l’Europe », l’Institut Montaigne livre une analyse pertinente des atouts du royaume et de sa résilience face à l’épidémie du Covid-19 et ainsi que son attrait pour l’Union européenne.
L’institut souligne d’emblée que « l’importance du Maghreb pour l’Europe est largement sous-estimée, et les Européens ne semblent pas avoir intégré le Maroc, l’Algérie et la Tunisie à leur réflexion stratégique globale. Tout en respectant leur souveraineté, l’Europe devrait se donner les moyens de soutenir les économies de ces pays, gages de stabilité sociale et donc politique ».
Les rédacteurs de cette note soulignent aussi que « la crise sanitaire du Covid-19 a accentué les fragilités structurelles des économies du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, qui ont donc besoin d’être soutenus. Or, le plan de relance européen, destiné à assurer la stabilité de ses membres, n’a pas vocation à profiter à son « étranger proche », dont le Maghreb.
Dans le cas du Maroc, l’Institut Montaigne ajoute que les échanges commerciaux et les flux d’investissements du Maroc sont encore très importants avec ses partenaires traditionnels d’Europe, mais connaissent certaines inflexions. Les exportations marocaines vont principalement vers l’Espagne (24% des flux totaux en 2019), la France (21% des exportations en 2019) et dans une moindre mesure l’Italie (5% en 2019). En revanche, les flux entrants d’importations au Maroc font état d’une répartition plus équilibrée entre partenaires traditionnels et puissances émergentes. Les importations marocaines proviennent d’Espagne (pour 15 % du total des importations en 2019) et de France (12% du total), mais également de Chine (10% du total), des États-Unis (8% du total en 2019), de Turquie (5% en 2019, contre 2% seulement en 2009), et marginalement de Russie (3%) et d’Arabie saoudite (2%). Et d’attirer l’attention sur un fait : « La prépondérance traditionnelle de la France tend à baisser, au profit de la Chine notamment pour qui le Maroc représente de nombreux intérêts ». C’est dire que le Maroc constitue un enjeu majeur pour cette grande puissance asiatique et mondiale. Les analystes disent que même si la situation du Maroc n’est pas critique pour l’accès au financement, des hésitations européennes ou de la part de multilatéraux pourraient donner des opportunités à la Chine qui pourrait financer un grand plan d’investissement au Maroc permettant aux entreprises chinoises de s’implanter durablement au royaume chérifien.
Le comparant avec la Tunisie, Montaigne affirme que le Maroc présente des caractéristiques de développement communes avec la Tunisie. Son modèle de croissance « ouvert », avec un taux d’ouverture avant-crise proche de 90%, est tiré par les exportations touristiques et la consommation, et financé en partie par des capitaux étrangers. Il est aussi sujet aux fluctuations climatiques liées au poids du secteur primaire, qui représente 12,5 % du PIB et un tiers de population active. De plus, les administrations publiques jouent un rôle moteur dans la dynamique d’investissement (formation brute de capital fixe) : elles ont connu 8 % de croissance nominale en moyenne entre 2008 et 2018, contre 4 % pour les sociétés non financières et 2 % pour les ménages.
Le Maroc dispose de marges plus importantes que la Tunisie, mais la mutation du modèle de croissance doit être accélérée, surtout qu’il a bien su gérer les répercussions de la pandémie, que ce soit sur un plan sanitaire, économique et social. Après la première vague de Covid-19, le Maroc a ainsi démontré sa capacité à mobiliser rapidement un grand nombre d’outils de financement, tout en accordant une priorité au soutien aux populations fragiles et à la gestion de l’urgence sanitaire. Pour autant, l’accroissement rapide du ratio d’endettement et le creusement des déficits courants menacent la soutenabilité des finances du Royaume, dont la notation souveraine pourrait être dégradée. Dans sa note, L’institut Montaigne conclut que « le Maroc plie mais ne devrait pas rompre ». Il explique que les déficits courants du Maroc sont plus importants qu’en Tunisie, mais le royaume est fort d’une plus grande robustesse de son système financier marocain.